Parcours
La
vie de Pierre le Grand (Pierre 1er Alexeïvitch), comme
celle d'Ivan le Terrible et plus que celles des autres tsars
de la Russie moderne, se confond avec l'histoire du pays.
Elle symbolise une ère nouvelle dans les structures
politiques, sociales et culturelles, ainsi que leur occidentalisation.
Une
enfance formatrice
Né
en 1672 de l'union du tsar Alexis Mikhaïlovitch et
de sa deuxième épouse, Natalia Kirillovna
Narychkina, Pierre se trouve, à la mort de Fédor
Alexeïevitch – héritier du trône de 1676
à 1682 –, devant une situation de luttes pour le
pouvoir au Kremlin. Il est proclamé tsar, et sa mère
régente, alors que la faction dirigée par
sa demi-sœur Sophie Miloslavskaïa tente de le déposséder
de toutes ses prérogatives. En mai 1682, en effet,
une révolte des mousquetaires (streltsy) est organisée
par le clan des Miloslavski, afin de massacrer sauvagement
tous les membres du clan des Narychkine, et se solde par
la fuite dePierre et de sa mère à Preobrajenskoïe,
village proche de Moscou. Là, éloigné
de toute participation aux affaires politiques, le jeune
tsar mène une vie où son éducation
est plutôt négligée, centrée
autour de la mise en scène de jeux guerriers avec
des compagnons d'infortune, venus de toutes les couches
sociales ou étrangers, comme l'Écossais Patrick
Gordon ou le Suisse François Lefort.
L'énergie
d'un prince
Remarquable
par sa taille (plus de 2 m), Pierre, contrairement aux autres
héritiers Romanov, n'est pas faible physiquement.
Le jeune homme impressionne ses contemporains par son énergie
physique, même si, depuis l'époque des massacres
du Kremlin, il est atteint d'une maladie nerveuse qui le
ronge de tics irrépressibles. Marqué par la
violence de son enfance, c'est une personne très
volontaire, irraisonnée, impulsive, toujours pressée
et qui se sent mieux dans l'entourage hétéroclite
de ses compagnons de Preobrajenskoïe que dans l'atmosphère
traditionnelle du palais.
Un
jeune souverain
En
1689, après avoir eu connaissance du complot préparé
par la régente Sophie, Pierre investit Moscou et
oblige sa demi-sœur à quitter le pouvoir. La même
année, sa mère prend les rênes du gouvernement;
entourée de conseillers malhonnêtes et cupides,
elle dirige les affaires dans le désordre, la corruption
et les scandales. Pierre Ier le Grand, bien que reconnu
comme véritable souverain de la Russie, ne montre
aucune velléité de chef d'État. À
la mort de sa mère, en 1694, il prend sa succession:
il est âgé alors de vingt-deux ans.
Les
premières années de règne
Les
premières années de règne sont immédiatement
marquées du sceau de la guerre. Comme ses prédécesseurs,
le tsar se trouve confronté à l'éternel
ennemi turc, qui protège les Tatars de Crimée
et contrôle le littoral de la mer Noire. En 1695 commence
une guerre pour les forteresses de la côte méridionale,
qui se prolonge jusqu'en 1700, date du traité de
Constantinople, par lequel les Russes obtiennent Azov et
Taganrog, et le droit d'avoir un ministre permanent en Turquie.
Voyager
pour apprendre
Pierre
le Grand – qui veut mettre sur pied une large coalition
intégrant des pays occidentaux contre l'Empire ottoman
et fuir la vie de cour moscovite, qu'il a en horreur – entreprend
un grand voyage pour se former aux techniques occidentales,
mais aussi pour découvrir d'autres mœurs politiques.
En 1697, s'inscrivant anonymement sous le nom de Pierre
Mikhaïlov dans une suite diplomatique appelée
la «Grande Ambassade», il se rend d'abord en Prusse,
où il étudie essentiellement l'artillerie,
puis dans l'empire des Habsbourgs, en Hollande, où
il travaille comme simple ouvrier dans les chantiers maritimes
de la Compagnie hollandaise des Indes orientales, et en
Angleterre pour approfondir ses connaissances théoriques
en matière de construction navale. Rappelé
à Moscou en 1698 par un nouveau complot fomenté
par sa demi-sœur, il est aussitôt confronté
à un autre conflit international.
La
guerre du Nord
La
Russie, alliée au Danemark et à la Pologne,
entre en guerre contre la Suède de Charles XII en
1700, afin de s'imposer sur la Baltique. Les opérations
militaires, incertaines pendant des années, tournent
à l'avantage de la Russie à la bataille de
Poltava, en 1709, où l'armée suédoise
est anéantie. Mais il faut attendre 1721 pour que
la paix de Nystadt soit signée: elle attribue à
la Russie la Livonie, l'Estonie, ainsi qu'une partie de
la Carélie, et lui restitue la Finlande. Cette guerre
lui ouvre une fenêtre sur l'Occident en lui permettant
de s'implanter durablement sur la Baltique et modifie l'équilibre
des puissances dans le nord de l'Europe.
Réformes
militaires
Par
ailleurs, les défaites des premières années
montrent à Pierre le Grand que des réformes
s'imposent dans le domaine militaire. Ses efforts aboutissent
à la création de la première armée
permanente moderne en Russie, ce qu'aucun tsar n'avait réussi
à faire jusque-là. Pierre, dès le début
de la guerre, instaure une conscription universelle: en
1715, la norme instituée est de 1 conscrit pour 75
foyers serfs. Tous les groupes sociaux, dont la noblesse,
à l'exception du clergé et des marchands (membres
des guildes), sont soumis à un service armé
presque permanent (d'une durée de 25 ans au minimum).
Parallèlement, les armes et les techniques sont améliorées,
des contingents d'élite organisés, une flotte
est armée sur la Baltique, et une industrie navale
créée de toutes pièces.
Un
esprit réformateur
Les
réformes en série, imposées par un
règne essentiellement voué à la guerre,
pourraient être considérées comme un
programme établi de manière cohérente,
afin de poursuivre le rêve du tsar: ouvrir la société
sur l'Occident et la moderniser en adaptant les institutions
occidentales aux réalités russes. Visionnaire
plus que pragmatique, Pierre le Grand veut créer
un pays moderne, éclairé et riche, ce qu'il
n'arrivera pas à traduire dans la réalité
avec le même succès dans tous les domaines.
La
refonte des institutions
Pierre
le Grand, soucieux de rompre avec tous les symboles politiques
de l'ancienne Moscovie, se fait attribuer le titre d'empereur,
rompant avec la titulature traditionnelle de tsar. Par ce
changement, il signifie sa volonté de marquer son
égalité avec les autres familles régnantes
européennes. La fondation de Saint-Pétersbourg,
en 1703, marque une coupure sans précédent
avec le passé russe. En décidant d'installer
sa nouvelle capitale sur l'embouchure de la Neva, Pierre
le Grand détruit le symbole de la vieille Russie,
qu'il hait, et confirme l'ouverture de son pays vers l'Occident.
Le site, un marécage plat et vide, parsemé
d'îles désertes, insalubre et sauvage, ne l'empêche
pas d'organiser des travaux gigantesques, assurés
par des ouvriers recrutés de force. On estime entre
25 000 et 30 000 le nombre de victimes de ce chantier confié
à l'architecte italien Trezzini, très influencé
par le baroque nordique.
Des
instances nationales et locales rénovées
Le
nouvel empereur abroge les institutions qui, dans la Russie
moscovite, peuvent limiter le pouvoir du souverain, pour
en créer d'autres, qui lui sont subordonnées.
Les régiments de streltsy, manipulés par ses
ennemis au début de son règne, et la douma
des boyards (ancien conseil de gouvernement composé
des plus anciennes familles nobiliaires) sont supprimés.
En 1711, il institue un Sénat dirigeant, instance
suprême pour les affaires judiciaires, financières
et administratives. À partir de 1717, Pierre le Grand,
influencé par l'organisation politique suédoise,
remplace les anciens prikaz, trop nombreux et inefficaces,
par des collèges, véritables ministères
gérant les relations internationales et la vie économique
du pays.
L'administration
locale est aussi réformée: à partir
de 1699 et surtout après 1720-1721, la gestion urbaine
est confiée à des conseils de marchands élus,
mais le résultat est très décevant.
La réforme provinciale, elle aussi très novatrice,
n'est pas un succès: dès 1708, le pays est
divisé en larges circonscriptions, les «gouvernements»;
en 1719, cinquante provinces sont définies, avec
à leur tête un voïévode, lesquelles
sont divisées en ouïezdi, elles-mêmes
dirigées par un commissaire. Voïévodes
et commissaires, élus au sein de la noblesse locale
et rémunérés par le pouvoir, ne sont
ni zélés ni compétents.
Réformes
fiscales
Dans
le domaine financier, Pierre le Grand, en proie à
de constants besoins d'argent, doit mettre sur pied de nouvelles
taxes: la capitation, ou impôt par tête, est
instaurée, en 1718, et finit par représenter
53 % des recettes annuelles. Pour la mettre en place, on
effectue un recensement non seulement des serfs et des esclaves
qui cultivent la terre, mais aussi des esclaves domestiques
et des dépendants ne travaillant pas la terre. Les
propriétaires sont tenus responsables du bon fonctionnement
du système et vont jusqu'à interdire aux serfs
de quitter leur domaine sans autorisation écrite.
D'autres impôts sont prélevés sur les
moulins, les bains, les ruches d'abeilles, les fours, les
barbes – dont le port est interdit par Pierre le Grand;
le monopole d'État est élargi à de
nouveaux articles, comme le papier timbré, nécessaire
à différentes transactions légales.
Les
bases d'un essor mercantile
Adepte
du mercantilisme, Pierre le Grand stimule le rôle
du gouvernement dans le développement industriel
et s'attache à rendre la balance commerciale excédentaire
grâce à une politique protectionniste. L'État
implante de nouvelles manufactures,essentiellement dans
trois secteurs: les industries militaire, métallurgique
et textile. Sous le règne de Pierre le Grand, l'Oural
devient le grand centre minier et métallurgique,
et les premières usines de drap sont installées
à Moscou et à Saint-Pétersbourg. Par
ailleurs, l'empereur favorise les investissements privés
et la création de nouvelles usines par des commerçants
ou des familles nobles. Au total, environ 200 manufactures
et usines (métallurgie, textile, porcelaine, verre...),
qui constitueront la base d'une économie plus diversifiée,
sont fondées.
Des
bouleversements sociaux et culturels
Dans
le domaine social, les transformations modifient durablement
les structures anciennes. La noblesse, astreinte au service
perpétuel, est répartie dans des carrières
militaires ou civiles après un examen passé
à Moscou. En 1722, la Table des rangs est promulguée:
celle-ci définit les quatorze rangs que l'on peut
parallèlement occuper dans l'armée, dans l'administration
et à la cour. Cette institution revient à
valoriser le mérite personnel et non plus, comme
auparavant, la seule naissance. En entrant de cette manière
au service de l'État, on devient noble à titre
personnel, on peut recevoir un titre octroyé par
l'empereur pour service exceptionnel; l'avancement est ainsi
ouvert aux roturiers et aux étrangers.
Une
politique religieuse décriée
Dans
la sphère religieuse, Pierre le Grand impose des
innovations; celles-ci, mal acceptées par les élites
ou la population, lui valent d'être traité
d'antéchrist ou de diable. En 1721, il instaure une
nouvelle organisation de l'Église, le Saint-Synode,
pour remplacer le patriarcat. À sa tête, un
fonctionnaire laïc, le haut procureur du Saint-Synode,
nommé par l'empereur, est chargé d'organiser
la vie spirituelle et de gérer le bien de l'Église.
Le pouvoir temporel a désormais le contrôle
sur toutes les affaires religieuses.
Occident
contre traditions
L'occidentalisation
forcée de la société passe par des
mesures souvent violentes contre les traditions les plus
enracinées: le rasage obligatoire de la barbe choque
profondément les traditionalistes, qui pensent que
l'on détruit ainsi l'image de Dieu en l'homme et
que les Russes ressembleront aux «méprisables
catholiques» ou encore à des animaux. Le calendrier
aussi est occidentalisé: les années ne se
comptent plus à partir de la création du monde,
mais à partir de la naissance du Christ; l'année
débute non plus le 1er septembre, mais le 1er janvier.
Toutes les fêtes organisées par Pierre le Grand
pour tourner en dérision les institutions les plus
respectées, par exemple le collège de l'ivrognerie,
organisé comme l'Église avec son supérieur
et ses diacres, sont également très mal supportées
par l'ensemble de la population. Cependant, malgré
de fortes résistances, le tsar réussit à
imposer ces innovations – en recourant, sans hésiter,
à la violence –, si bien que, à la fin de
son règne, les fonctionnaires du service civil, le
personnel de l'armée et de la marine, les membres
des classes supérieures sont rasés et habillés
à l'occidentale.
Une
langue russe revalorisée
Dans
le domaine de l'éducation, Pierre Ier adopte des
mesures dans plusieurs directions: impression de livres
en russe, publication, en 1702, du premier quotidien (les
Nouvelles), simplification de l'alphabet, envoi de centaines
de jeunes nobles à l'étranger, création
de nouvelles académies – mathématiques, techniques
navales et sciences – et de quelques écoles secondaires,
ouverture d'une bibliothèque publique dans la capitale,
Saint-Pétersbourg.
Adulé
ou honni
À
la mort de Pierre Ier, en 1725, son épouse Catherine
Ire, couronnée impératrice en 1724, hérite
d'un pays modifié en profondeur. Le choc fantastique
que la Russie a subi fait du tsar un personnage de légende,
adulé ou honni par ses contemporains. Sa volonté
de rupture absolue avec l'ancienne Moscovie et d'occidentalisation
rapide du pays est applaudie ou violemment critiquée.
Héros surhumain pour les uns, il est un destructeur
et un imposteur pour les autres, qui voient dans les malheurs
de la Russie le résultat de la disparition des principes
organisant la Moscovie. La mise au pas de la noblesse, l'entrée
du pays dans l'ère du précapitalisme, la création
d'une armée forte et moderne, la domination de l'Église
par l'État, l'effort permanent d'occidentalisation
de la société sont autant d'acquis jamais
remis en cause par ses successeurs et qui marquent la Russie
jusqu'à la chute de l'autocratie en 1917.
(yahoo
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