Parcours
Il
est le dernier monstre sacré. "La Mer" (chanson écrite
dans le train, en vingt minutes, entre Narbonne et Carcassonne)
a fait le tour du monde, interprétée dans
des dizaines de langues. Indémodable, le style Trénet
a traversé ce siècle avec la force et la sérénité
des grandes évidences. Grâce à lui,
pour toujours, "Ya d'la Joie".
Figure
légendaire du music-hall français, Charles
Trenet est né à Narbonne, cité du sud
de la France le 18 mai 1913. Son père Lucien est
un notaire respecté, et aussi un mélomane
averti. La jeune Marie-Louise, avec qui il se marie lui
donne deux fils : Antoine, trois ans avant Charles. Les
deux frères sont très proches et leur enfance
semble chaleureuse, même si leur père est mobilisé
en 1915 et ne revient que quatre ans plus tard.
Quand
le jeune Charles a sept ans, ses parents se séparent
et sa mère décide d'aller vivre sa vie. Les
deux enfants sont confiés à leur père.
Ainsi donc il sont envoyés en internat à Béziers.
Mais bientôt, Charles est atteint par une fièvre
typhoïde quelques mois après son entrée
au collège qui l'oblige à retourner à
la maison. Sa convalescence lui permet de développer
sa sensibilité artistique : modelage, musique, peinture.
Guéri, il retourne à l'école.
En
1922, la famille s'installe à Perpignan. Charles
est externe au collège où il se montre rebelle
aux mathématiques. Il obtient brillamment son baccalauréat
en 27. Puis il part à Berlin en Allemagne, et entame
des études artistiques.
En
1930, sur la promesse donnée à son père
d'entrer à l'Ecole des Arts Décoratifs, Charles
Trenet monte à Paris, et devient en fait assistant
metteur en scène et accessoiriste aux studios de
Joinville. Il s'enflamme pour le jazz et commence à
écrire des poèmes, des articles de journaux
et des romans-feuilletons sous le pseudonyme de Jacques
Brévin.
En
1932, dans un club de jazz, il fait la connaissance d'un
jeune pianiste, Johnny Hess. C'est ainsi que naît
le duo "Charles et Johnny". Ils font leurs premières
armes en écrivant des messages publicitaires pour
la radio (Radio Cité à Paris). Les célèbres
couplets de "Quand les beaux jours seront là" et
"Sur le Yang Tsé Kiang" sortent pour le compte des
Disques Pathé. Les duettistes allient chanson française
et mélodie moderne. C'est la naissance du style "fleur
bleue" qui est assez caractéristique des années
30. Il s'agit en fait de l'adaptation française du
style dynamique et jeune des comédies américaines.
En
1936, le service militaire de Charles Trenet met fin à
la carrière du duo. En octobre, il rejoint la caserne
d'Istres. Très vite, il s'ennuie de Paris. Pour tuer
le temps, il écrit "Y'a d'la joie" que bientôt
le célèbre Maurice Chevalier crée sur
la scène du Casino de Paris. C'est l'éditeur
Raoul Breton qui a apporté la chanson au plus célèbre
des "Titi" parisien. Celui-ci le convie un jour à
la fin de son spectacle et le présente au public
qui l'ovationne. A sa libération de l'armée
en octobre 37, Breton qui croit en Trenet le fait engager
au Théâtre de l'ABC de Paris où le gratin
parisien vient se divertir. Jean Cocteau, Max Jacob, Mireille
ou Colette applaudissent ce jeune artiste au visage rond
et aux boucles blondes. Il y interprète huit chansons
en première partie de Lys Gauty. L'explosion artistique
de Charles Trenet en 38 est subite. Il devient l'idole de
la jeunesse.
A
cette époque, on peut aussi le voir au cinéma
dans deux films où il tient le premier rôle,
"La route enchantée" et "Je chante". Il en signe
les chansons.
Hollywood
Au
début de la Deuxième Guerre mondiale, Charles
Trenet, devenu gloire nationale, est mobilisé. Il
reste alors à la base militaire de Salon-de-Provence
jusqu'à sa démobilisation en juin 40. Suite
à cela, il remonte sur Paris où la vie culturelle
bat son plein en dépit de l'occupation allemande.
Il chante alors aux Folies-Bergère ou à la
Gaieté parisienne devant un public souvent composé
entre autres d'officiers et de soldats allemands. La presse
collaborationniste tente de compromettre Trenet en affirmant
que son nom est l'anagramme de Netter. Trenet prouve qu'il
n'est pas de sang juif en apportant aux autorités
quatre générations d'extraits de naissance.
C'est ce qui lui sera longtemps reproché. A l'instar
d'autres artistes de l'époque, il a préféré
distraire l'occupant que sacrifier sa carrière et
cette attitude allait de pair avec une certaine indifférence,
que certains nomment collaboration, envers la situation
juive. En outre, il a accepté en 43, à la
demande du Reich, d'aller chanter pour les prisonniers français
en Allemagne, comme Piaf ou Chevalier. Mais, Trenet qui
parlait couramment allemand, se faisait un point d'honneur
de ne pas pratiquer alors cette langue. De plus, il refusait
toujours de participer aux soirées d'après
spectacles afin de ne pas socialiser avec l'occupant.
A
la Libération, il n'eut aucun souci mais décida
cependant de partir outre-Atlantique. C'est ainsi que Charles
Trenet découvre l'Amérique où il chante
et vit plusieurs années. Il triomphe au Bagdad à
New York, est courtisé par Hollywood, rencontre George
Gershwin, Louis Armstrong ou Chaplin avec lequel il se lie
d'amitié. Sa chanson "La Mer", composée avec
Léo Chauliac en 1943 dans un train, enregistrée
en 46, devient "Beyond the sea" sous la plume de Jack Lawrence.
Elle sera reprise par un grand nombre d'interprètes
anglo-saxons et fera l'objet d'environ 4000 reprises à
travers le monde. Enfin, à la fin des années
40, il part tourner en Amérique latine. Pendant six
ans, il va voyager à travers l'Amérique, le
Canada, le Mexique et le Pérou.
Le
14 septembre 1951, Charles retrouve Paris en effectuant
sa rentrée au Théâtre de l'Etoile. A
son programme, dix nouvelles chansons parmi lesquelles "De
la fenêtre d'en haut" et "la Folle complainte". En
1954, il se produit à l'Olympia pour la première
fois. L'année d'après, il compose "Route nationale
7", hymne aux congés payés, "la Java du diable",
conte extraordinaire et "Moi j'aime le music-hall". Il retourne
également sur la scène de l'Olympia avec son
compère Francis Blanche en première partie.
En
1958, le voici à l'affiche de Bobino et de l'Alhambra,
et 1960, de nouveau au Théâtre de l'Etoile.
Pour la première fois, il apparaît sur scène
sans son célèbre chapeau mou qu'il arborait
jusque-là.
La
mère
Durant
les années 60, Charles Trenet ne se produit plus
que très rarement. Son public a vieilli, le rock
est arrivé des Etats-Unis et la vague yéyé
commence à prendre le dessus sur la chanson traditionnelle.
En 1968, pour fêter ses 55 ans et ses 30 ans de carrière,
il projette de créer l'événement avec
un retour sur scène à Bobino. L'effervescence
de mai 68 l'empêche de réaliser son voeu et
l'amène à effectuer un retour discret au Don
Camillo, célèbre cabaret parisien. C'est en
fait en 69 au Théâtre de la Ville qu'aura lieu
son véritable retour. En 1970, il est hôte
de marque au Japon pour l'Exposition Universelle d'Osaka.
En 71, il quitte sa maison de disques, Columbia. Il crée
alors "Fidèle" et "Il y avait des arbres" et se produit
à l'Olympia.
Pour
ses soixante ans en 1973, Charles Trenet sort un nouvel
opus de douze morceaux intitulés "Chansons en liberté".
Un album particulier où se mêlent des titres
nouveaux et d'anciennes compositions. L'anniversaire du
"Fou chantant" comme on le nomme communément est
largement célébré par les médias.
En 1975, c'est le coup de théâtre. Il annonce
ses adieux à la scène et pour donner un dernier
coup de chapeau à son public, choisit une nouvelle
fois l'Olympia. Puis la disparition de sa mère en
1979, avec laquelle il entretenait des liens très
étroits, l'enferme dans sa douleur durant deux années
de réclusion.
En
1981, il revient sur la pointe des pieds avec la sortie
d'un disque traversé par des souvenirs mélancoliques
de l'enfance et notamment une chanson intitulée "Que
veux-tu que je te dises Maman?".
Désormais
installé dans une semi-retraite tranquille, parfois
agrémentée de quelques galas en France et
à l'étranger, Charles se retire dans sa propriété
du sud de la France. A l'heure de son jubilé‚ le
26 septembre 1987, poussé sur scène par une
nouvelle génération de jeunes enthousiastes,
il revient enfin sur sa décision et ressort son chapeau
et son célèbre œillet pour se produire à
Paris, d'abord au Théâtre des Champs-Élysées
puis au Châtelet et au Palais des Congrès mais
aussi à nouveau dans le monde entier.
En
novembre 92, il crée l'événement en
sortant un album dont il a écrit les paroles et la
musique "Mon cœur s'envole". Trois ans plus tard, un nouvel
album "Fais ta vie" revendique toujours le même optimisme.
Soixante ans de carrière et quelques centaines de
chansons plus tard, Charles Trenet malgré son âge,
combat encore la morosité ambiante avec son ton léger
et enjoué.
A
85 ans, Charles Trenet fait une apparition remarquée
lors de deux festivals en juillet 98, dont le festival de
Nyon en Suisse le 25 juillet. Il y chante devant plus de
20.000 personnes qui reprennent en cœur avec lui tous ses
tubes légendaires de "la Mer" à "Y'a d'la
joie".
Rien
ne semble arrêter Trenet. Le 21 mai 99, sort un nouvel
album, "Les Poètes descendent dans la rue". Soixante-dix
ans après avoir écrit "la Mer", il reprend
la plume et signe 14 nouveaux titres dans une verve toujours
aussi enlevée et joyeuse. Sur la lancée, le
chanteur remonte sur scène et se produit les 4, 5
et 6 novembre à la salle Pleyel devant un public
acquis qui applaudit le vieil homme avec émotion.
Celui-ci se déplace difficilement mais chante avec
autant d'enthousiasme qu'à 20 ans.
En
avril 2000, le chanteur est hospitalisé d'urgence
après un accident cardio-vasculaire. Mais plusieurs
semaines d'hospitalisation, le chanteur se rétablit
et assiste le 25 octobre à la générale
des spectacles de Charles Aznavour au Palais des Congrès.
Ce sera sa dernière apparition publique. En novembre,
la maison natale du Narbonnais, située au 13 de l'avenue
Charles Trenet, devient un petit musée. Souvenirs,
objets, chansons, la promenade plonge le visiteur à
la fois dans la vie familiale de Trenet, évoquant
en particulier sa mère longtemps résidente
des lieux, et dans son parcours artistique. Début
février 2001, le chanteur est à nouveau hospitalisé
pour une nouvelle attaque cérébrale. Epuisé,
il décide lui-même d'arrêter les traitements.
Il meurt le lundi 19 février à l'hôpital
Henri-Mondor de Créteil en banlieue parisienne. Toute
la France rend un fervent hommage à cet artiste dont
le répertoire reste une œuvre majeure de la chanson
française et ne cesse d'inspirer plusieurs générations
d'artistes. Des obsèques ont lieu le vendredi 23
février en l'église de la Madeleine à
Paris. Le chanteur est incinéré au cimetière
du Père-Lachaise puis ses cendres doivent être
déposées dans le caveau familial près
de sa mère à Narbonne, sa ville natale.
Homosexualité
Trenet
aura séjourné 2 fois en prison : la première
fois aux Etats-Unis en 1948, à l'époque du
Maccarthysme (il fut détenu pendant 26 jours à
Ellis Island) oú l'homosexualité pouvait être
considéré comme une atteinte majeure à
la sécurité américaine. En 1963, il
est détenu à Aix-en-Provence sous le chef
d'accusation d'attentats aux mœurs sur la personne de quatre
mineurs de moins de 21 ans, son chauffeur de l'époque
aurait servi de "rabatteur".Après 28 jours de prison,
il est libéré les 10 août 1963, l'affaire
se terminera par un non lieu, les Aixois lui témoignèrent
leur soutien durant sa détention. Lors d'une interview
accordé à l'Indépendant (18 août
1963), Charles Trenet affirmera : " Je suis victime d'un
coup monté ". Il parlera une seule fois à
mots couverts de son homosexualité dans son oeuvre,
en parlant de "toutes ces choses qu'il n'aura pas su aimer"
Voilà
ce que disait Jean-Jacques Debout, un des intimes de Trénet
(Interview de Libération)
"Beaucoup
de choses fausses ont été écrites sur
ses mœurs. Deux affaires l'ont conduit jusqu'au tribunal.
A Aix-en-Provence, deux jeunes avaient voulu lui soutirer
40 000 francs à la fin d'un dîner bien arrosé.
On savait qu'il était très riche. Et il lui
arrivait d'être victime de chantage. Je n'ai jamais
rien constaté de pervers chez lui. Il ne m'a jamais
rien demandé, alors que je l'avais rencontré
à l'adolescence.
J'ai
connu les relations de Trenet; elles étaient suivies.
Plusieurs de ses amis ont eu un destin tragique. L'un s'est
tué à moto, un autre s'est noyé. Il
les a beaucoup pleurés. "

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