Parcours
Marin,
aventurier et romancier, de tous les écrivains américains,
Melville représente le mieux la figure tragique du
génie incompris, de l'artiste véritable dont
la voix n'est pas entendue par sa propre génération:
à sa mort, il n'était connu que comme l'auteur
de récits maritimes, et ce n'est qu'au XXème
siècle que Moby Dick sera acclamé comme le
chef-d'oeuvre d'un grand écrivain.
L'univers
de Melville est dominé par la mer. Mais l'écrivain
va bien au-delà de l'expérience vécue
et de la science livresque, donnant à ses récits
une portée mythique. Romancier de l'ineffable et
de l'indicible, il touche à l'allégorie et
au symbolisme afin de mieux mettre en scène les dilemmes
de l'âme, le conflit biblique entre le bien et le
mal qui ont hanté son esprit tourmenté.
Des
îles Marquises aux îles Hawaii
Herman
Melville naît à New York le 1er août
1819, dans une famille respectable et prospère. Mais,
en 1830, son père, marchand d'origine écossaise,
fait faillite; il meurt deux ans plus tard. La famille,
installée à Albany, reste sans ressources;
à douze ans, Herman doit interrompre ses études,
commencées à l'Albany Academy, et gagner sa
vie. Il exerce divers métiers: il est successivement
employé de banque, ouvrier agricole, vendeur dans
un magasin, instituteur. Il envisage même de devenir
ingénieur pour la construction de l'Erie Canal, mais
sans succès.
C'est
en 1839 que Melville se fait marin, s'engageant comme garçon
de cabine sur le cargo Highlander, qui l'emmène à
Liverpool. Ce voyage lui inspirera par la suite son roman
Redburn. Au retour, il reprend son métier d'instituteur,
puis va travailler quelque temps avec un oncle dans l'Illinois.
Mais début 1841, le voici sur le baleinier Acushnet,
en partance pour le Pacifique Sud.
Entre
vingt et un et vingt-cinq ans, Melville reste en mer. Il
passe le cap Horn sur l'Acushnet, déserte avec un
camarade de bord et gagne les îles Marquises, où
il passe quelques semaines parmi les indigènes dans
la vallée du Taïpi, nom qu'il donnera comme
titre à son premier livre (1846), inspiré
par cette expérience. Il quitte les Marquises à
bord d'un baleinier australien, le Lucy Ann, mais est débarqué
à Tahiti à la suite d'une mutinerie. C'est
un autre baleinier, le Léviathan, qui l'emmènera
jusqu'aux îles Hawaii, épisode qui servira
de point de départ à son deuxième récit,
Omoo (1847). A Honolulu, il s'engage sur un navire de guerre
de la marine américaine, le United States, qui le
débarque à Boston le 14 octobre 1844.
Le
succès littéraire
À
son retour aux États-Unis, Melville s'installe à
New York et travaille à transposer ses aventures
en littérature. Il y avait depuis longtemps un grand
marché pour l'exotisme: Taïpi et Omoo connaissent
donc un immense succès aussi bien à Londres
qu'à New York. Melville, le jeune marin littéraire,
le romancier aventurier, devient un favori de la société
new-yorkaise et écrit régulièrement
dans les magazines. En août 1847, il épouse
Elizabeth Shaw, fille d'un magistrat de Boston; un fils,
Malcolm, naîtra deux ans plus tard. Le troisième
livre de Melville, Mardi (1849) ambitieuse allégorie
des mers du Sud, est un échec commercial. Assagi,
l'écrivain revient aux récits de voyage avec
Redburn (1849) et la Vareuse blanche (1850), qui ont presque
autant de succès que ses deux premiers ouvrages.
En
1850, Melville fait un voyage en Angleterre. À son
retour, il acquiert une ferme près de Pittsfield,
dans le Massachusetts. Il a un illustre voisin, le romancier
Nathaniel Hawthorne, et les deux hommes entretiendront une
amitié. C'est alors que Melville entreprend de composer
son chef-d'oeuvre, Moby Dick, l'histoire de la baleine blanche.
Lorsque le livre paraît en 1851, son auteur écrit
à Hawthorne qui est devenu pour lui une sorte de
mentor spirituel et littéraire: «J'ai écrit
un livre atroce et je me sens aussi innocent qu'un agneau.»
Le
temps des déceptions
Moby
Dick connaît un accueil médiocre tant auprès
de la critique que du public. On continue de reprocher à
Melville de ne plus produire des aventures exotiques comme
Taïpi ou Omoo. Mais l'écrivain est trop profondément
engagé dans son oeuvre pour chercher de nouveau le
succès à tout prix. D'ailleurs, il semble
avoir épuisé sa réserve de souvenirs.
À
partir de ce moment-là, Melville vit de plus en plus
retiré, et son oeuvre est gagnée par un pessimisme
croissant. Pierre ou les Ambiguïtés paraît
en 1852; ce roman de l'inceste ne parvient pas à
l'équilibre heureux qui caractérise Moby Dick,
et c'est de nouveau un échec. Les nouvelles que Melville
écrit pour Putnam's Monthly Magazine au début
des années 1850, et dont certaines seront publiées
en 1856 sous le titre de Benito Cereno et Autres contes
de la véranda, reflètent sa préoccupation
grandissante du mal et de la solitude humaine. On compte
parmi ces nouvelles des chefs-d'oeuvre tels que «Benito
Cereno» et «Bartleby l'Écrivain».
L'humeur de Melville reste sombre, et ses deux derniers
romans, Israël Potter (1855) et le Grand Escroc (1857),
critique acerbe du commercialisme américain, sont
autant de gestes de désespoir.
La
fin d'une carrière de romancier
Entre
1857 et 1860, afin de payer ses dettes, l'écrivain
s'essaie au métier de conférencier, mais,
à la différence de Mark Twain et d'Emerson,
il n'a pas un tempérament d'homme public. Dans les
années 1860, après avoir longtemps brigué
une charge de consul, il finit par obtenir un poste d'inspecteur
des douanes au port de New York, qui lui apporte enfin la
sécurité matérielle.
Melville,
qui a abandonné le roman dès 1857, se consacre
désormais à la poésie. En 1866, il
publie à compte d'auteur Poèmes de guerre,
évocation de la guerre civile; en 1870, Clarel, long
poème religieux inspiré par un voyage en Terre
sainte; en 1888, John Marr et Autres marins, portraits de
la vie en mer, et enfin, en 1891, Timoléon. Ce n'est
qu'aujourd'hui que cette oeuvre reçoit l'attention
critique qu'elle mérite.
À
cette époque, Melville mène toujours une vie
de reclus, et la mort de son fils dans un accident, en 1867,
n'a fait qu'accentuer son pessimisme. Il ne trouve de satisfaction
que dans l'écriture et, après avoir démissionné
de son emploi aux douanes en 1885, travaille à un
court récit de fiction, Billy Budd, gabier de misaine,
auquel il met la dernière main peu de temps avant
sa mort, le 28 septembre 1891, à New York: le roman
sera publié en 1924.
Un
puritain hanté par le doute
Comme
beaucoup de ses contemporains, Melville est obsédé
par le conflit entre le bien et le mal. À mi-chemin
entre l'idéalisme d'Emerson et le pessimisme de Hawthorne
et d'Edgar Poe, ses convictions morales sous-tendent toute
son oeuvre.
L'affrontement
du bien et du mal
À
l'origine, l'écrivain se veut rousseauiste, admirateur
du «bon sauvage» et dénonciateur des méfaits
de la civilisation, comme on peut le voir dans Taïpi
et dans Omoo, lorsqu'il dépeint le contraste entre
la grâce des païens ignorants et la corruption
de ses compagnons de bord ou encore celle des habitants
de Liverpool. Il lui semble d'une ironie sinistre d'envoyer
des missionnaires apporter la lumière à des
êtres du soleil.
Bientôt
cependant l'écrivain doute: peut-être l'origine
du mal est-elle au coeur même de la nature de l'homme.
Les germes de cette incertitude transpercent dans les ambiguïtés
de Mardi, où sont dépeints des personnages
fondamentalement mauvais ou faibles, tout comme Bland dans
la Vareuse blanche ou Jackson et Harry Bolton dans Redburn.
Avec
Moby Dick, épopée qui focalise toutes les
tensions de l'écrivain, Melville tente de réconcilier
son désir de croire en la noblesse de l'homme et
sa certitude de l'existence du mal. Dans ce récit
lesté de symbolisme tout comme d'information factuelle
et mythologique sur les baleines, Melville, dans un style
parfois mélodramatique, ose poser des questions qui,
au XIXème siècle, sont encore autant de tabous.
Il se querelle avec le Dieu calviniste de la Nouvelle-Angleterre.
Des
oeuvres pessimistes et morales
Par
la suite, l'écrivain sombre dans la dépression,
et son oeuvre devient de plus en plus noire. Hantés
par les thèmes de la lutte contre le mal, de la culpabilité
et de l'espoir d'une transcendance, les trois derniers romans
de Melville n'atteignent pas à l'équilibre
de Moby Dick entre récit palpitant et nécessité
de symboliser les désarrois de l'âme. Ses nouvelles
sont, elles aussi, marquées par le thème de
l'échec.
Ce
n'est qu'à la fin de sa vie, dans sa poésie
et dans Billy Budd, dont le héros, âme simple
et «nouvel homme» américain, personnifie
la bonté, que Melville s'approchera d'un sentiment
de réconciliation. Certes, une amère ironie
n'est pas absente du roman, c'est de force que Billy Budd
est enrôlé sur un navire anglais appelé...
les Droits de l'Homme, et sa fin est tragique; il y perce
pourtant une lueur d'espoir dans la bonté et le pardon:
le héros meurt, pendu, après s'être
écrié «Dieu bénisse le capitaine
Vere!» celui qui l'a condamné à mort
mais qui reste pour lui l'image de l'honneur et de l'équité.
Et le dernier récit de Melville compte certaines
pages parmi les plus belles que le puritanisme américain
ait inspirées.
En
regard de la symbolique toute chrétienne de ce roman
quelque peu à part, le Journal, publié entre
1949 et 1955, montre un Melville cohérent avec le
reste de son oeuvre, un Melville au pessimisme constant,
obsédé par l'échec, par l'ambiguïté
de la morale et, par-dessus tout, par l'angoisse de la mort.
(yahoo
encyclopédie)
Homosexualité
Mis
à part des ouvrages que l'on qualifierait aujourd'hui
de gay-friendly, dont Moby Dick, on notera que Melville
eut une relation sérieuse avec Richard Tobias Greene.
Son amour pour Nathaniel Hawthorne ne fut pas réciproque.

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