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Hervé Guibert

Né à Paris en 1955, décédé à Clamart en 1991

Ecrivain français

Parcours

Photographe, journaliste et scénariste, il est, avant tout, l'auteur d'une œuvre qu'il qualifiait lui-même de «barbare et délicate».

Hervé Guibert est né le 14 décembre 1955 à Saint Cloud. Il grandit dans le XIVème, près du parc Montsouris, entre un père autoritaire et une mère possessive. Il a également une sœur aînée, Dominique, qui quittera rapidement le nid familial. Le petit Hervé va souvent voir ses grands mères et ses grands-tantes (Louise et Suzanne) ; on peut donc dire qu’il grandit dans un environnement essentiellement féminin.

En 1970, la famille Guibert déménage à la Rochelle. Sous la pression de son père, Hervé suit une filière scientifique, mais il se passionne pour le cinéma, l’écriture et la photographie. En première, il entre enfin dans une section littéraire et il découvre le monde du théâtre, en intégrant la troupe du théâtre municipal de la Rochelle.

Le bac en poche, il monte à Paris ; il a 17 ans. Il échoue aux concours d’entrée de l’Idhec (aujourd’hui la Femis) et de l’école de la rue Blanche. Après avoir écrit des critiques de cinéma pour diverses revues, il travaille au magazine " 20 ans " au courrier du cœur ! Il entre ensuite à " Elle " puis au " Monde ". Il se lie d’amitié avec Zouc et Isabelle Adjani à laquelle il voue une admiration sans bornes. En 1975 il rencontre Patrice Chéreau et lui propose de coécrire un scénario. Chéreau accepte et huit ans plus tard " l’Homme blessé " remporte le César du meilleur scénario. Mais pour le moment Guibert a écrit une pièce de théâtre qu’il lit au festival d’Avignon dans " le Gueuloir " et qui remporte un certain succès.

En 1977 les éditions Régine Desforges publient son premier roman " La Mort Propagande ". Grâce à cette publication, il fait la connaissance de deux grands philosophes : Roland Barthes et Michel Foucault. En 1978 il devient responsable de la chronique photo du Monde et publie son second roman, " Les Aventures Singulières ", aux éditions de Minuit. Il découvre l’île d’Elbe avec son ami Hans Georg Berger et c’est le coup de foudre. Il y effectuera de nombreux séjours. En 1983 le film " L’Homme blessé " sort enfin, Hervé et Patrice Chéreau obtiennent donc le César du meilleur scénario.

La même année il apprend que son ami/amant Thierry est malade. Il pense à cette nouvelle maladie dont on parle beaucoup aux Etats Unis, qui touchent essentiellement les homosexuels et qu’on appelle " le cancer gay ". Il craint pour sa propre santé, d’autant plus que Foucault tombe lui aussi malade. L’année suivante le célèbre philosophe meurt et Guibert furieux, se rend compte que les journaux mentent sur la véritable cause de ce décès, comme si cette maladie était honteuse. Durant cette période sombre, il apprend des secrets de famille ; le mariage forcé de ses parents, sa sœur est en fait une demi-sœur… Il écrit alors " Mes Parents " dans lequel il règle ses comptes et qu’il dédicace " à personne " ! Il collabore aussi à " l’Autre Journal ". Il devient ensuite pensionnaire à la Villa Médicis de 1987 à 1989. En 1988 il annonce à ses proches qu’il a le sida. Thierry aussi. Il épouse Christine, l’amie de Thierry pour que ses droits d’auteur reviennent à la famille.

En février 1990, c’est la sortie d’"A l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie ", son premier grand succès commercial. On le voit partout : chez Pivot, PPDA… Il y parle du sida sans honte.

Ce texte (...) fit scandale par ses révélations sur la mort de son ami Michel Foucault. Surtout, l'auteur y disséquait sans complaisance, et dans les moindres détails, l'évolution d'une réalité qui était son propre mal: le sida, qu'il prit pour modèle de son «projet de dévoilement de soi et de l'énoncé de l'indicible». C'est ce souci obsessionnel de «tout dire» minutieusement, en se prenant lui-même comme objet d'étude, qui fait la particularité de son oeuvre, une démarche antérieure à sa maladie, mais que celle-ci lui permit de pousser très loin.

 En effet Hervé Guibert n'a jamais épargné ses lecteurs. Chacun de ses romans, récits, nouvelles et chroniques intimes, d'un érotisme violent, est porté par le souci de serrer au plus près de vérité des sentiments et des faits. Une vérité directement issue, en général, des pages de son journal intime, tel le réquisitoire impitoyable de Mes Parents (1986), ou tel Fou de Vincent (1989); ou encore saisie de l'expérience immédiate, comme lorsqu'un choc opératoire lui inspira son premier récit, la Mort propagande (1977), ou qu'il écrivit son roman Des aveugles (1985) après un passage à l'Institut des jeunes aveugles, en tant que lecteur bénévole, ou bien encore l'Incognito (1989), version romancée de son séjour romain à la villa Médicis.

Coscénariste, avec Patrice Chéreau, de l'Homme blessé (1983), photographe, critique et théoricien de cet art – l'Image fantôme, en 1981, et le Seul Visage, en 1984 – Hervé Guibert n'a cessé de transporter l'exercice du regard photographique dans ses textes. La simplicité de l'écriture, la limpidité du style sont venus renforcer l'acuité de ses instantanés: capture du moment, précision des images et des lumières, mises en scène fantasmatiques détaillées à outrance... Du roman-photo consacré à ses deux grand-tantes, Suzanne et Louise (1980), au Protocole compassionnel, deuxième phase du récit de sa maladie (1991), Hervé Guibert s'inspirait de l'usage de l'objectif comme pour mieux traquer ce que d'ordinaire les gestes dérobent à la parole.

 Narcissique, mémorialiste de sa propre vie, Hervé Guibert a placé la littérature au-dessus de lui-même: «C'est quand j'écris que je suis le plus vivant», disait-il, ajoutant qu'il écrivait toujours sous l'influence de son admiration pour un écrivain, Knut Hamsun, dont la transparence l'éblouissait. Jean Genet, Robert Musil, Georges Bataille, Pierre Guyotat, Roland Barthes, Thomas Bernhard et son ami Eugène Savitzkaya ont tour à tour infléchi, de livre en livre, les variations de son écriture.

Crue et cruelle pour lui-même autant que pour ses proches, parents ou amis, l'œuvre de Guibert, jeune homme au visage d'ange, est constamment traversée par la mort. Une fascination qu'il disait avoir ressentie depuis le début de son adolescence, et qu'il a cultivée «avec fureur». Mais c'était une fureur bondissante, sans pathos, une curiosité aiguë affranchie de tout sentimentalisme, où parfois, cependant, la tendresse est pudiquement présente. Cette prose violente, ces noirs récits sont parsemés de gaieté, d'une poésie légère, glissée avec rapidité.

«Les mots sont victorieux», écrivait-il. L'Homme au chapeau rouge et Cytomégalovirus, les deux textes parus en janvier 1992, quelques semaines après sa mort, due au sida, le 27 décembre 1991, à l'hôpital Antoine-Béclère de Clamart, où il avait été admis après une tentative de suicide, témoignent encore de cette vérité consolatrice.

Le 30 janvier 1992, TF1 diffuse le film de l’écrivain plusieurs fois repoussé pour cause de censure : " La Pudeur ou l ‘impudeur ". On y voit la lente déchéance de Guibert, son désir de suicide, c’est le choc. Certains y voit un étalage impudique, d’autres un témoignage essentiel.

(sources : en italique : Yahoo! encyclopédie / en caractère normal : http://membres.tripod.fr/kty6/_Guibert.htm )

Le retour, 10 ans après sa mort

Le Mausolée des amants, journal 1976-1991 sortie nov. 2001 (Gallimard)

Un récent matin, au premier étage du Café de Flore. La femme assise en face de moi, et qui boit un thé, s’appelle Christine Guibert. Elle se trouve être la veuve d’Hervé Guibert, la veuve de cet écrivain qui, se voyant mourir du sida, écrivait durant les derniers mois de sa vie, dans son journal : "Je n’aurais pas lu Proust, je n’aurais pas couché avec une femme ; et après ?". Christine est cette femme dont Guibert disait dans À l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie qu’elle était celle qu’il admirait le plus au monde. Elle est la mère de deux enfants dont le père n’est évidemment pas Hervé Guibert, mais celui qui fut leur grand amour partagé : Thierry. Elle est donc la double veuve de ces hommes qui s’aimaient et qui seront tous les deux morts du sida à six mois d’intervalle, il y aura bientôt dix ans. Je pose un magnétophone entre nous. Je l’interroge sur ce livre, Le Mausolée des amants, qu’Hervé Guibert lui a légué en l’état, fini, achevé, avec le soin de le publier quand elle le désirerait (ou pas). Un texte qui n’est pas un fond de tiroir, mais plutôt la commode toute entière. Un livre construit, découpé par Hervé Guibert lui-même dans son journal intime, et qui raconte essentiellement leur impudique histoire à tous les trois –ce que Guibert appelle à un moment "leur trinité". Quand ce n’est pas leur histoire à tous les cinq, en comptant les deux enfants ; et quand ce n’est pas leur histoire à tous les six ou sept, en comptant cette fois les autres amants respectifs d’Hervé et de Thierry.

Un livre qui, plus de vingt ans après les faits, se lit encore et toujours comme un incroyable défi à la morale bourgeoise, et même à la plus bohème et moderne des morales bourgeoises, celle qu’on appelle aujourd’hui, pour faire joli, la famille recomposée. Ce défit, ce crachat aux conventions, cette bombe à longue mèche, Christine Guibert en aura été la gardienne dix ans durant, avant de se décider à la faire exploser enfin. Avec tout ce que le Mausolée des amants peut comporter d’abominations pour elle –par exemple une seule petite ligne, quasi météorologique, sur leur mariage, immédiatement suivi d’un passage cul sur le père des enfants de C.- en dépit de cela, Christine n’a pas hésité à publier le journal. On se demande quand même comment notre bonne société va accueillir certains passages où Guibert évoque sans fard la pédophilie de ses proches. Et cela va être un enjeu de poids que de vérifier ce que la société, dix ans après sa mort, est encore capable de supporter du transgressif et trublion Hervé Guibert.

Arnaud Viviant http://www1.lesinrocks.com/DetailCritique.cfm?iditem=120706&idheading1=6

Guibert, son homosexualité, le Sida

A l'ami qui ne m'a pas sauvé la vie

"Le SIDA n'est pas vraiment une maladie, ça simplifie les choses de dire que c'en est une, c'est un état de faiblesse et d'abandon qui ouvre la cage de la bête qu'on avait en soi, à qui je suis contraint de donner pleins pouvoirs pour qu'elle me dévore, à qui je laisse faire sur mon corps vivant ce qu'elle s'apprêtait à faire sur mon cadavre pour le désintégrer. "

Depuis l'âge de 22 ans, Hervé Guibert avait décidé de tout dire. Au fil de ses récits autobiographiques, il avait tenu le pari insensé de dévoiler ce que, par habitude, par décence, par respect pour soi-même et les autres, on tait. Ses aventures homosexuelles, ses trahisons, ses lâchetés. L'univers morbide des ses livres, sa fascination pour la dégradation, trouvent leur apothéose dans " A l'ami qui ne m'a pas sauvé la vie". Et Guibert est fort conscient que cet ultime livre pourrait bien être, au sens le plus cruel du terme, le dernier : " choisir entre l'AZT et le suicide, un nouveau livre ou deux nouveaux livres sous traitement et grâce au sursis qu'il m'accordait, ou le suicide, également pour m'empêcher de les écrire, ces livres atroces. "

L'homme encore tout jeune, obsédé par l'idée de maladie et d'impureté bien avant l'ère du SIDA, qui cherchait de généraliste en généraliste la preuve de sa maladie, et qui déclarait à l'un d'eux, dont on imagine la stupéfaction: " Je baiserai les mains de celui qui m'apprendra ma comdamnation ", fut finalement exaucé. Alors, sa vie a basculé. Lui, les siens, ceux qu'il aime sont en danger. Guibert note tout cela sur son journal : ses craintes, la déchéance de ses proches contaminés avant lui, l'entrée en maladie, dans l'univers des prises de sang, des résultats biologiques qui font sombrer une vie. Le temps presse, et l'écrivain ne peut plus se permettre de "correction ". Ni envers lui-même et son livre, ni envers ses amis. A travers le voile transparent des noms de façade, Guibert livre au lecteur l'agonie et la mort de Michel Foucault, les rumeurs qui empoisonnèrent la vie d'Isabelle Adjani. Ce que l'on devine des rapports sexuels de Foucault à travers la scène où son amant, nettoyant l'appartement après sa mort, retrouve dans un vieux sac tout un attirail sado-masochiste ne diminue en rien la simple humanité de ses derniers instants. Les monstres sont ailleurs, chez cet ami américain par exemple, directeur commercial d'une puissante firme pharmaceutique américaine, qui, pendant un an, va faire miroiter devant Guibert et son médecin la possibilité de bénéficier d' un vaccin révolutionnaire. Avant de voir en Bill le salaud immonde qui profite de sa position pour réduire à sa merci des artistes dont il jalouse la puissance, Guibert découvre en lui un personnage en or massif. Comme il tire de l'univers médical en quelques phrases des portraits hallucinants : " L'infirmière qui devait procéder à ma prise de sang me dévisagea avec un regard plein de douceur qui voulait dire: tu mourras avant moi. Cette pensée l'aidait à rester clémente, et à enfoncerroit et sans gant l'aiguille dans la veine, après avoir recompté le nombre de ses tubes en les faisant rouler du bout des doigts dans la cuvette." Les médecins n'échappent pas à ce regard terrible, acéré.

Le SIDA n'émeut que ceux qui ne l'ont pas, disait récemment un séropositif interviewé à la télévision. Gardons-nous donc de compatir ou d'applaudir. Guibert est un nouveau Lazare. De l'autre côté du miroir, les yeux fixés sur la courbe faiblissante de ses lymphocytes T4 il nous envoie ce dernier message. A nous de l'écouter, simplement.

Christian Lehmann http://christianlehmann.free.fr/lectur20.htm

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